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Mobilisations et rapports sociaux de sexe dans la Tunisie (post) révolutionnaire: transgressions, contestations et réassignations
Abir KRÉFA
Depuis 2011, les révolutions arabes ont fait l’objet de deux interprétations communes et savantes dominantes: d’une part, les sociologues et politistes les ont surtout interprétées comme des mobilisations contre les régimes autoritaires et leurs institutions (partis uniques, institutions policières et militaires, etc.) et l’acteur protestataire a été décliné au masculin, supposé neutre et universel ; d’autre part, les journalistes occidentaux ont principalement relayé les mobilisations de femmes aux styles de vie « libéraux » ainsi que les revendications d’égalité juridique.
À partir d’une série d’enquêtes sur la Tunisie (post) révolutionnaire, la communication déconstruira ces deux interprétations. Elle montrera d’abord que les rapports sociaux de sexe structurent les différentes mobilisations depuis décembre 2010 et ne sont pas réductibles à la question des « femmes » telle qu’elle est portée par les associations féministes sécularistes. Les révolutions ont en effet été des mobilisations contre les rapports d’autorité, entendue au sens large : contre la domination des policiers, des partons, des chefs d’administration, de Tunis et du Sahel sur les régions dites de l’intérieur, etc.
Les revendications des femmes ont été plurielles : pour le droit à un travail et à des conditions de travail dignes, contre les inégalités régionales, contre le harcèlement sexuel, pour le droit à disposer de leur corps, etc. La révolution a autorisé de nombreuses transgressions de genre : présence des femmes dans l’espace urbain nocturne, émergence de nouvelles masculinités, etc. Cependant, le reflux des mobilisations et la contre-révolution menacent les espaces de liberté acquis, d’autant que les conditions matérielles de vie se sont considérablement dégradées avec la poursuite des politiques d’austérité.